Je suis allée au Centre Canadien d'Architecture écouter Jean-Louis Cohen parler des changements que l'effort et les effets de la deuxième guerre mondial ont eu sur l'évolution de l'architecture. Période oubliée des livres alors qu'il y regorge les innovations matérielles, politiques et esthétiques, caractéristiques des villes, usines, quartiers et bâtiments imaginés et construits durant le reste du siècle.
Cohen tisse des liens entre, entre autres, le plan formaliste des années 30 et le plan des baraques d'Auschwitz, les débats politiques qui se cachent derrière l'implantation du bunker individuel versus collectif en Grand-Bretagne (campagne commencée dès 1924!), le rôle des professionnels d'Hollywood dans la reproduction méticuleuse des villages allemands et des préfabriqués japonais dans le cadre de test pour l'amélioration dévastatrice des bombes alliés et le développement remarquable du faux, du préfabriqué, de l'artificiel et du camouflage pour tromper l'adversaire du ciel.
Enfin toujours avec autant de justesse Cohen soulève le rôle de la responsabilité et de l'éthique: si tout a du être dessiné durant les années crescendo de la guerre - des plans d'usines pour les camps de concentration à ceux fabriquants des bombes à Los Angeles - qui était là pour les faire? Il y avait de tout, évidemment, de la lâcheté attendue, de la cruauté pure, de la naïveté facile, de l'instinct de survie...
Une conférance remarquable! (La conférance accompagne l'expo Architecture en Uniforme qui a pour commissaire Jean-Louis Cohen)
Images: La Bête est Morte bande dessinée par Calvo publiée chez Gallimard et une équipe de camoufleurs au travail à Fort Belvoir, Virginie, illustration dans Robert P. Breckenridge, Modern Camouflage: The New Science of Protective Concealmen, 1942 (prise du site du CCA).